Les choses sont parfois bien compliquées, surtout pour la plus si jeune Moë.
C'est un peu comme si le mauvais œil était sur vous, comme si chaque actions, même la plus simple et enfantine, devenait une véritable épreuve du combattant, une source d'ennuis constants.
Vous voyez, il y a des jours comme ça, où l'on se réveille, on pose le pied par terre et l'on trébuche dans un vêtement laissé par terre la veille. Puis, quant on veut se servir une tasse de thé, un mauvais geste vous fait vous ébouillanter... Alors on tâtonne tant bien que mal pour prendre un tissue ou un mouchoir, histoire d' essuyer l'eau, et l'on découvre que cette serviette est en fait le parchemin d'un contrat urgent à renvoyer. C'est son qu'on nomme la poisse... et c'est le lot quotidien de Miss Pilgrim.

Haaa, la fameuse Moë connu dans certains quartiers de jeux, qui parait accumuler plus de malchance que n'importe qui sur cette planète. Pigeon de choix, toujours prête à un pari déjà perdu... sa célébrité n'est plus à faire. Et cette "malédiction" se confirme ailleurs que dans le domaine des jeux.
Dès que quelque chose d'appréciable lui arrive, il faut obligatoirement que le sort s'acharne sur elle, un uppercut du destin en quelque sorte.
Ainsi, son si joli minois lui apporte le caractère le plus atroce possible, étrange punition divine qui éloignerait tout prétendant de sa fenêtre. Oscillant entre irascibilité et despotisme lorsqu'elle est travaille à plusieurs, contrôlant d'une main de fer jusqu'aux moindre détails ou soudainement froide et hautaine, voir paranoïaque et stressée lorsqu'elle part en chasse, excédée dès que quelques choses ne va pas dans le sens qu'elle souhaiterait. Ses coups de sang sont connus par bien des personnes et se finissent souvent par quelques insultes bien sentie traduisant le fond de sa pensée. Car oui, Moë n'aime pas la subtilité et les belles paroles, franche, rude, parfois vulgaire (trahissant son éducation de matelot), elle ne passe pas par quatre chemins pour vous expliquer en quoi vous (et l'ensemble de votre famille) êtes des crétins congénitaux.
"Pas étonnant qu'elle ne trouve personne celle là" murmurent les chasseurs et clients, un sourire moqueur aux lèvres, quoi que toujours prêt à reconnaitre son talent dans la chasse, l'organisation et la capture d'animaux.
"Avec toutes les tares qu'elle parait avoir, aucun homme sensés ne voudrait d'elle" susurre les vendeuses de magasins, la regardant livrer fourrure, plume, coton ou lin dans les nombreux magasins, enviant cependant sa capacité propre à elle de toujours savoir s'imposer, même dans les lieux les plus macho.

Car si il est vrai que Moë est ronchonne et bougonne, peu bavarde et lunatique, que la jeune femme n'est pas un modèle de féminité, de douceur et de sociabilité, elle possède cependant quelques qualités, qui font son charme au même titre que son caractère bien trempé qui change agréablement des nombreuses rêveuses que l'on croise.

Bien qu'il soit coutume de la voir seule, errer le nez au vent, ne parlant qu'à peu de monde, elle n'en demeure pas moins relativement serviable et travailleuse, toujours prête à mettre la main à la pâte.
Et bien que "je m'en foutiste" au possible, désintéressée par le commun de mortel il parait y avoir un cœur sous toutes ces couches de défaut vu l'amour sans limites qu'elle voue à son père.

Surement une fourmis dans une autre vie, elle est infatigable et énergique, ne se laisse jamais faire par qui que se soit ni par quoi que se soit . En effet, rare sont les créatures qui ont croisé sa route et qui s'en sont ressortie indemne. Que se soit sur terre ou sur mer rien ne parait lui résister. Oh bien sur ce n'est jamais des combats faciles... Moë n'est pas un surhomme! Mais son courage (souvent synonyme de folie et de suicide selon ses collègues) et sa ténacité (là encore bien souvent exagéré) sont des qualités essentielles à ses réussites.

Travaillant toujours bien, sans jamais se précipiter, la demoiselle accumule l'expérience avec une soif d'apprendre pour l'instant sans limites, s'entrainant et s'améliorant, cherchant à apprendre de chacune de ses erreurs. Ayant soif de liberté et d'indépendance, Moë à tendance à oublier sa vie affective et se retrouve bien souvent seule le soir, regrettant cette solitude qui lui colle à la peau.
Maladroite en sentiments et autres démonstrations, il y a un côté touchant à voir cette femme si sure d'elle rougir dès qu'un regard intéressé se pose sur elle, bredouillant alors quelques menaces (sérieuses) au curieux qui viendrait tenter sa chance.

" Moë! Moë attrape ma main! Attrape ma main je t'en prie!"

C'était un de ses premiers souvenirs. Un des nombreux qui peuplent les pensées de la jeune femme, qui l'emportent bien loin des forets, des désert et des villes qui se succèdent dans sa vie.
Elle est assise au bar, buvant doucement un verre d'un alcool qui lui brule la gorge, pour oublier la brulure du sel de ses larmes qui cherches à se déverser sur ses joues.
Il est 3 heures du matin, son père dort à l'étage, et Moë pense... pour une fois où elle en a le temps et la chasseuse redécouvre, une fois encore, sa vie.

Elle revoit son père hurler, tendre sa main désespérément vers elle tandis que les immenses vagues la tirent loin de lui... elle ne peut pas lutter, elle est encore trop jeune, trop faible. C'est cette fragilité qui la terrorise encore aujourd'hui, l'idée de ne pas pouvoir choisir sa vie et ses actes, de ne pas être maitre de son destin.

Moë avait 5 ans lorsque la mer l'emporta dans ses profondeurs, à la suite d'une tempête qui avait pris le bateau où elle et son père avait trouvé refuge, un petit boulot de matelot qui lui permettait de garder sa fille avec lui. Mais un refuge à quoi? La jeune femme ne savait pas.
Oh, elle devine un peu au fond, surtout quand elle aperçoit son reflet dans une glace, quand ses 35 ans ne se voit pas, quand le temps ne semble plus vraiment avoir d'effet sur elle alors qu'il tire son père vers la vieillesse. Elle devine quand son père se cache de ses anciens amis, de sa famille et qu'il se taire dans ce bar en sachant que quelques sorciers sont dans le coin. Elle devine depuis bien longtemps, depuis la soirée où elle a vu cet homme immense, aux longs cheveux blonds et aux grands yeux marrons pleurer sur l'unique image d'une jeune femme aux yeux violets. Mais la chasseuse ne veut pas savoir plus, le passé ne l'intéresse pas... ou ne l'intéresse plus depuis bien longtemps.
Elle ne veut pas savoir, pas savoir comment son père a fait pour la repêcher, risquant sa vie pour l'unique chose qui comptait à ses yeux. Elle préfère ignorer tout cet amour qui existe entre eux deux et qui lui a fait faire tant de sacrifices pour elle, allant jusqu'à s'isoler dans les lieux les plus reculés pour la préserver. Des années à servir en mer, à être l'une des seules "filles", à se lever après quelques heures de sommeil agité et à devoir travailler encore et toujours sous un soleil de plomb ou une pluie de jugement dernier.

Travailler. Toujours ce mot là en tête quant elle y repense, survolant la salle parfaitement rangée et ordonnée, jusqu'au plus petit dessous de verre. C'était ça qui lui avait donné un rang élevé dans la hiérarchie maritime de ce bateau de commerce et qui leurs avait permis d'avoir leurs propre cabine à elle et son père. Ce simple mot qui avait réussit à la faire tenir: laver les ponts, s'occuper des cordages; passer à la vigie et surveiller; descendre et faire partie du groupe chargé de trouver de l'eau et des vivre; superviser les différents groupes; cartographier et lire les cartes.... et qui sait, si elle avait continué, elle aurait pu tout simplement commander. Mais à ses 17 ans, elle avait du renoncer à cette carrière et rejoindre la terre ferme avec son père... à cause de l'accident.

Chacun pour soit, et tout pour l'autre.
Moë finit cul sec ce simple verre et s'en ressert un, pour affronter ce souvenir morbide.

Cette immense créature noire, si grande que le ciel paraissait se déchirer pour lui faire de la place. Une créature à sang froid, un vestige d'une époque qui n'existe plus. Des tentacules, des yeux horribles et froids... la jambe de son père qui s'emporte et sa voix qui hurle au milieu d'autres hurlements de panique.
Moë avait 17 ans, ses talents de combattante n'était pas encore ceux qu'ils sont aujourd'hui, et c'était elle qui criait " Attrape ma main! Je t'en prie attrape là!" . C'était son père qui sombrait dans les profondeurs abyssales.
La suite, un autre recommencement. Elle avait sauté, elle l'avait sauvé... enfin en partie. Son père, la seule chose qu'elle aimait, avait perdu sa jambe. Son premier échec. Un échec douloureux et sanglant. Ils avaient retrouvé la terre ferme, ouvert un bar et la jeune fille, qui n'avait plus rien d'une enfant avait suivie sa route, s'assurant que plus rien ne toucherait son cher père. Elle avait chassé et y avait mis autant d'application que durant sa carrière sur la mer. Près de 15 longues années pour s'imposer, balayer les concourants, contrôler son pouvoir, finir de s'entrainer au combat et assurer son business. Ces petits boulots, toujours dans la légalité, qui lui assurent une sécurité financière des plus confortables. Des années d'apprentissages et d'efforts. Des années où sa jeunesse partait en lambeaux.

La jeune femme soupira, nettoyant le verre, le rangea et finit d'éteindre chaque lumières. Elle s'assura que chaque portes, chaque fenêtres étaient parfaitement fermées et monta les marches pour rejoindre sa chambre. Dehors, un air de musique réussit à filtrer et elle ferma les yeux, passant une main dans ses cheveux et s'arrêta devant la porte de son père... juste pour entendre le bruit de sa respiration calme. Les souvenirs continuaient de remonter, tremblante vision sous ses paupières closes. C'était le jour où le temps c'était arrêté pour elle. Il y a bien presque 10 ans, elle avait dû faire une "mission" un peu particulière.
On lui avait confié un jeune homme de son age, fortuné, qu'elle avait rencontré plusieurs fois et avec qui le "courant semblait bien passer" comme dise les jeunes. Un brun pas particulièrement séduisant mais gentil, qui ne se soucier pas de ses allures... et qui semblait avoir quelques difficultés à manipuler son pouvoir de Blessure, à la plus grande honte de sa famille, des péteux de sang pur.
Or, avec la dose de travail que faisait Moë, celle ci n'ayant pas de difficulté sur ce thème, on lui proposa une bien étrange idée. Une idée était toute simple par ailleurs, trop surement, qui allait causer plus de mal que de bien: Tenter une "partie" de chasse sur gros gibier et se mettre dans le feu de l'action pour forcer un peu les choses...
Plus qu'hésitante et refusant au début, une grosse somme et une bonne situation en cas de réussite l'a fit accepter.

La mission fut un échec, les détails sont inutiles. Du sang, des cris... des choses habituelles dans un plan foireux et mal organisé. Moë a parfois encore l'impression de voir le sang de ce jeune homme sur ses mains tandis que, perdu au milieu d'un tunnel qui servait de nid à bien plus d'araignées que prévus, et d'une taille bien plus importante que prévus, l'équipe engagé par les parents tombait sous les assauts. Des détails...Tout ce qui compte c'était cet instant, où dos au mur, il s'effondra, ce jeune homme qui aurait pu lui changer sa vie. Seule, à quelques mètres de la sortie, un tapis d'ossement en guise de sol, il ne lui restait qu'une chose: mourir. Trop nombreuses, un pouvoir surestimé... un nouvel échec, Moë cria quand une attaque lui fut portée... fermant les yeux pour ne pas voir sa fin arriver. Mais le bruit mat qu'elle entendit lui fit ouvrir les yeux de surprise... la douleur de l'attaque était bien présente, mais pas mortelle... quelque chose c'était mis entre elle et l'une des araignées. Quelque chose.. des os... rien d'humain, pas même dans la forme. La jambe en sang, la chasseuse resta immobile, pétrifiée, en voyant que tant bien que mal, cette chose essayait de prendre forme, continuant à servir de bouclier. Jamais elle n'avait vu un truc pareil, si terrifiant et répugnant. L'odeur de la mort, de la chaire en décomposition lui prenait le nez tandis que le grincement de quelques articulation à vif résonnait au milieu des cliquetis des araignées. Ce fut l'instinct de survie qui réussit à la sortir de cet état d'impuissance. Laissant la chose entre elle et le reste, Moë réussit à s'extraire de la grotte, courant sans s'arrêter au milieu des bois, sentant sa blessure s'ouvrir toujours plus, à chacun de ses pas.

Le grincement de la porte de sa chambre fut l'unique bruit qui vint briser le silence de la nuit... suivit par celui de son sommier lorsqu'elle vint s'allonger dessus. Moë resta les yeux grand ouvert dans le noir profond, essayant toujours de comprendre l'impossible. Même aujourd'hui, même sauvé et loin de tout danger... elle ne pouvait toujours pas expliquer les conséquences de cet échec. Car depuis cet incident, la jeune femme ne vieillissait plus, où tout du moins, bien plus lentement... Quelque chose semblait s'être éveillée entre elle. Quelque chose qui avait toujours était là, elle en avait la certitude. Depuis cette journée, des envies de lire ou d'apprendre lui prenait.
Son regard curieux passait sur les étagères de magasin de magie avec un nouvel intérêt et parfois elle essayait de refaire ce qui c'était passé dans cette grotte... sans grands succès.

Moë se retourna et finit par s'endormir, pour quitter le passé et rejoindre son présent, tellement plus important.